Â鶹AV

Traiter les dépendances en région

Médecin de famille exerçant à Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue, le Dr François Venne porte plusieurs chapeaux : en plus de ses fonctions d’hospitaliste à l’Hôpital de Val-d’Or, de médecin superviseur au GMF-U de la Vallée-de-l’Or (affilié à l’Université Â鶹AV) et de professeur de clinique au Département de médecine de famille de Â鶹AV, il est aussi médecin traitant à la clinique de médecine des dépendances qui a vu le jour dans ce milieu en 2020.

La nouvelle (pour « traitement par agonistes opioïdes ») est le fruit d’une initiative portée par le Dr Venne et une collègue, la Dre Maude Lepage. « La pandémie a quelque peu retardé son implantation, mais ironiquement, elle a été aussi aidante », explique le Dr Venne. « Comme les soins en dépendance ne peuvent être délestés, nous avons pu garder notre équipe multidisciplinaire complète, ce qui nous a donné un coup de pouce ».Ìý

Mais la contribution la plus importante provient du personnel de la région, insiste-t-il. « L’appui de l’équipe locale de gestionnaires au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue a été déterminant. Tout le monde reconnaît la problématique de la dépendance aux opioïdes dans notre communauté, ce qui contribue à la mobilisation. »Ìý

En fait, ce travail d’équipe est souvent le propre des régions où la pratique de la médecine de famille est très diversifiée. Il précise qu’en dehors des grands centres, « les spécialistes sont plus rares. Nous ne pouvons donc pas leur confier autant de patients, ce qui nous rend débrouillards! » La continuité des soins lui plaît aussi beaucoup. « Les suivis entre l’hôpital et la clinique sont plus faciles en région, car les liens avec les spécialistes sont étroits, ce qui facilite les échanges. »

Revenons à la Clinique TAO. La crise des dépendances aux opioïdes s’alourdit avec le temps en Abitibi-Témiscamingue, ce qui, selon les observations du Dr Venne, serait en partie attribuable au mode de vie et à la rareté des ressources soignantes. « La vie économique de la région s’articule beaucoup autour de l’exploitation des ressources naturelles. Plusieurs personnes exercent donc un métier très exigeant sur le plan physique. Et comme les physiothérapeutes et les autres spécialistes de la douleur se font rares en région, la prescription d’opioïdes devient une solution de rechange. » Il enchaîne : « Malheureusement, cette situation accroît les risques que certaines personnes en deviennent dépendantes. »

La clinique se concentre sur le traitement de la dépendance aux opioïdes, offrant également des services qui visent la réduction des méfaits. Outre la distribution de matériel de consommation stérile, elle offre l’analyse de substances, ce qui permet aux personnes aux prises avec une dépendance de vérifier que leur drogue ne contient aucun composant qui pourrait leur être fatal, comme le fentanyl.Ìý

Le Dr Venne souhaite qu’avec le temps, la clinique puisse traiter d’autres dépendances, comme celle liée à l’alcool. Toutefois, le manque de personnel en région nuit à la possibilité de traiter cette dépendance comme il se doit.

Le médecin de famille croit que la formation des médecins pourrait aider à résoudre les deux problèmes : d’une part, attirer les médecins en région et, d’autre part, mieux y traiter les dépendances.

Concernant la pratique en région, le Dr Venne croit qu’il faut recruter davantage de candidates et de candidats du milieu. « Avec leur réseau et leur famille déjà établis en région, ils sont plus susceptibles d’y revenir. » Mais selon lui, il faudrait également multiplier les stages obligatoires hors des centres urbains. « Il faut intégrer les séjours en région tout au long du cursus », explique-t-il. « Ceci contribuera à démystifier le travail en région. Il faut aller plus loin que ce qui se fait déjà. »

Quant au traitement des dépendances, le Dr Venne est tout aussi déterminé. « La médecine des dépendances devrait faire partie davantage du cursus. Il faut éliminer les préjugés à l’égard de ces patients et rehausser les connaissances des traitements existants. »Ìý

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