Avec près de 34 000 résidents parlant 60 langues, Parc-Extension est l’un des fils les plus brillants de la tapisserie culturelle de Montréal. Or, dans un quartier où deux résidents sur trois sont des immigrants ou des réfugiés, les barrières linguistiques et culturelles ont une incidence considérable sur la persistance des inégalités en matière de santé. Lorsque l’étudiante mcgilloise Tammy Bui a constaté de faibles taux de vaccination dans des arrondissements comme Parc-Extension, elle a décidé de trouver une solution.
Aux fins d’un travail dans le cours « Foundations of Health Promotion », Bui a piloté avec plusieurs camarades d’études la conception d’une campagne de médias sociaux appelée WeCanVax. L’objectif : promouvoir la confiance en la vaccination contre la COVID-19 dans des communautés historiquement mal desservies ou racisées du Canada.
Sous la supervision de la professeure adjointe Ananya Banerjee, du DĂ©partement d’épidĂ©miologie, de biostatistique et de santĂ© au travail, Bui et Nehal Islam, cofondateur de l’initiative, ont obtenu une prestigieuse subvention de 10 000 $ du programme DĂ©fi de l’innovation communautaire des vaccins de l’Agence de santĂ© publique du Canada. Avec les fonds, ils ont mis en Ĺ“uvre WeCanVax dans Parc-Extension, un rayonnement immĂ©diat et concret de leurs Ă©tudes Ă Â鶹AV.
Leur hypothèse de départ était que les taux de vaccination plus faibles dans Parc-Extension découlaient de l’absence d’information sur mesure pour la communauté. Après avoir consulté des membres de l’arrondissement et fait connaissance avec les résidents, ils ont constaté une non-concordance entre les messages et les méthodes utilisées pour les communiquer. « Les affiches sur la pandémie diffusées par le gouvernement aliénaient souvent les populations minoritaires, en raison soit de la barrière linguistique, soit de l’absence de représentation multiculturelle dans ces documents », explique Bui.
L’équipe a entrepris d’améliorer les types de messages présentés dans Parc-Extension, en adoptant une approche artistique communautaire pour faire ressortir que la lutte contre la pandémie est un effort de collaboration. Avec le consentement de divers membres vaccinés de la communauté, l’équipe les a photographiés et a recueilli leurs récits sur les motivations à se faire vacciner. L’équipe a ensuite imprimé des affiches qui arborent des témoignages dans plusieurs langues et communiquent l’information d’une façon plus personnelle que les approches générales proposées auparavant.
« Cela fait une énorme différence de se voir, ainsi que ses voisins, représentés dans les messages », explique Islam. « Dans un quartier où l’on parle tant de langues, un geste aussi simple que la création d’affiches dans la langue maternelle des résidents véhicule comme message que nous les voyons et que leur santé nous importe. »
L’utilisation du récit ne s’est pas arrêtée aux affiches de WeCanVax. S’inspirant du populaire projet Humans of New York du photographe Brandon Stanton, l’équipe a créé la série diffusée sur leur site Web et leurs plateformes de médias sociaux. La série suscite un sentiment plus profond de responsabilité communautaire à propos d’une question souvent controversée. « Par des témoignages exprimant la volonté de protéger ses proches ou ses voisins dans les espaces publics, les résidents de Parc-Extension se mobilisent autour de leur aspiration commune à améliorer leurs communautés », indique Bui.
Avant le lancement de WeCanVax, la Pre Banerjee souligne que les taux de vaccination dans Parc-Extension étaient de 10 à 15 % inférieurs à ceux ailleurs dans Montréal. Quelques mois plus tard, le pourcentage de résidents de Parc-Extension qui avaient reçu au moins une dose du vaccin avait atteint 76,8 %, dépassant le taux de vaccination de 74,6 % de Montréal. Pourtant, WeCanVax n’est que l’une des nombreuses initiatives qui coopèrent pour accroître la confiance en la vaccination dans le secteur, et elle attribue la hausse du pourcentage à ces efforts de collaboration.
La Pre Banerjee s’empresse aussi de faire l’éloge du travail de ses étudiants. « La façon dont Tammy et Nehal interagissent avec des résidents, que ce soit en salle de conférence ou dans le quartier, montre qu’ils se considèrent comme des motivateurs plutôt que des leaders », dit-elle. « En tant que professeure, c’est inspirant à voir. » Elle décrit aussi comment Bui et Islam reconnaissent le caractère unique de l’expérience de chaque famille, bien qu’ils soient les enfants de réfugiés et d’immigrants.
« Nous ne sommes pas là pour dire aux résidents de Parc-Extension ce dont ils ont besoin », confie Bui. « Nous sommes là pour les écouter et leur offrir des ressources en vue de les aider à atteindre leurs objectifs. » Islam renchérit : « En fin de compte, l’histoire de chaque personne est différente. À nous de nous engager et de les rencontrer dans cette histoire. »