En cette Ă©poque oĂą des vagues de rĂ©fugiĂ©s dĂ©ferlent partout dans le monde, des personnes dĂ©racinĂ©es dans le chaos politique il y a plus de 70Ěýans ont-elles quelque chose Ă nous apprendre?
AmandaĚýChalupa consacre sa thèse de doctorat Ă un groupe d’enfants polonais arrachĂ©s Ă leur foyer pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis dĂ©portĂ©s de la Pologne occupĂ©e vers des camps de travail soviĂ©tiques. Ceux qui ont survĂ©cu aux camps ont immigrĂ© nombreux vers le sud, traversant l’Iran pour gagner les camps de rĂ©fugiĂ©s d’Afrique de l’Est, d’Afrique du Sud, du Liban, de l’Inde, du Mexique et de la Nouvelle-ZĂ©lande.Ěý
AmandaĚýChalupa est doctorante Ă la Division de psychiatrie sociale et transculturelle de l’UniversitĂ©ĚýÂ鶹AV. Sa vidĂ©o de trois minutes sur ce travail de recherche, , lui a valu une place parmi les 25Ěýfinalistes de l’éditionĚý2017 de . Ce concours du Conseil de recherches en sciences humainesĚý(CRSH) du Canada s’adresse aux Ă©tudiants de niveau postsecondaire, qui doivent dĂ©montrer les retombĂ©es concrètes de leurs travaux de recherche.
MmeĚýChalupa s’intĂ©resse plus particulièrement au processus de guĂ©rison intervenu chez ces enfants pendant leur sĂ©jour dans les camps de rĂ©fugiĂ©sĚý– en particulier en Tanzanie (alors le Tanganyika) et en Nouvelle‑ZĂ©landeĚý– ainsi qu’aux politiques et aux mĂ©thodes les ayant prĂ©parĂ©s Ă leur Ă©ventuelle relocalisation. «ĚýDes annĂ©es plus tard, dispersĂ©s aux quatre coins du monde, ces enfants organisent des retrouvailles pour se remĂ©morer et revivre, dans la joie, l’époque des camps. Peut-ĂŞtre sommes-nous lĂ en prĂ©sence d’un cas unique dans l’histoire des rĂ©fugiĂ©sĚý», souligne la chercheuse.
Une incroyable odyssée
AmandaĚýChalupa est nĂ©e et a grandi Ă MontrĂ©al. Elle a d’abord entendu parler de ce long pĂ©riple par ses grands-parents. Ils lui ont racontĂ© «Ěýle voyage dans des wagons Ă bestiaux, la famine, la mort, le froid sibĂ©rien, la vie dans le goulag… mais aussi la magie, l’aventure et le plaisir vĂ©cus dans leur camp de rĂ©fugiĂ©s en AfriqueĚý», oĂą ils ont passĂ© près de dix ans avant d’immigrer Ă MontrĂ©al.
Pour son mĂ©moire de maĂ®trise, rĂ©alisĂ© sous la supervision de la DreĚýCĂ©cileĚýRousseau, la chercheuse a interviewĂ© des membres de la communautĂ© polonaise canadienne, assistĂ© Ă des retrouvailles en Pologne ainsi qu’aux États‑Unis et Ă©tudiĂ© des documents provenant de Nouvelle‑ZĂ©lande, d’Angleterre et de Pologne. En quĂŞte de son doctorat, elle a approfondi sa recherche. Ainsi, elle s’est rendue en Nouvelle‑ZĂ©lande pour interviewer des rĂ©fugiĂ©s qui se sont Ă©tablis lĂ -bas, et a sillonnĂ© le mondeĚý–Afrique du Sud, Tanzanie, Australie, Europe et États‑UnisĚý– pour s’entretenir avec des centaines d’autres personnes de mĂŞme qu’avec leurs enfants et petits-enfants.
L’accueil, un moment capital
Bien que la cueillette et l’analyse des donnĂ©es ne soient pas terminĂ©es, AmandaĚýChalupa voit dĂ©jĂ se dĂ©gager certains constats.
-
ĚýL’accueil est un moment marquant. Par exemple, lorsque des centaines d’orphelins polonais sont arrivĂ©s en Nouvelle‑ZĂ©lande en 1944, PeterĚýFraser, alors premier ministre, Ă©tait lĂ pour les accueillir. Les enfants sont ensuite montĂ©s Ă bord d’un train Ă destination du camp de rĂ©fugiĂ©s de Pahiatua; tout au long du trajet, les habitants des diverses localitĂ©s se pressaient le long de la voie ferrĂ©e pour leur souhaiter la bienvenue, agitant des drapeaux polonais et nĂ©ozĂ©landais. «ĚýNombreux sont ceux qui conservent aujourd’hui encore un souvenir Ă©mu de cet accueilĚý», souligne MmeĚýChalupa.
-
ĚýL’organisation du quotidien dans un camp de rĂ©fugiĂ©s peut favoriser le dĂ©veloppement de rĂ©seaux sociaux et d’un sentiment d’appartenance. Ainsi, dans les camps de rĂ©fugiĂ©s polonais Ă©tablis en Afrique de l’Est, on n’a pas tardĂ© Ă ouvrir des Ă©coles et Ă organiser des activitĂ©s sociales, telles que des groupes de scoutisme et de danse. La plupart des personnes que la chercheuse a interviewĂ©es «Ěýont affirmĂ© que la stabilitĂ© qui rĂ©gnait dans ces camps de rĂ©fugiĂ©s les avait aidĂ©es Ă reprendre une vie normaleĚý», prĂ©cise MmeĚýChalupa. En fait, poursuit-elle, «Ěýces enfants vivaient une vie normale dans des circonstances anormales. Comme l’explique une personne dans la vidĂ©oĚý: “en quittant l’Afrique, nous Ă©tions prĂŞts Ă affronter le monde”Ěý».
«ĚýBien entendu, je ne prĂ©tends pas que tous ceux qui sont passĂ©s par les goulags et les camps de rĂ©fugiĂ©s nagent aujourd’hui dans le bonheur. Et certains survivants seulement assistent aux retrouvaillesĚý», prĂ©cise MmeĚýChalupa. «ĚýMais le fait est que bon nombre de ces personnes conservent un bon souvenir de leur expĂ©rience, ont voulu en faire le rĂ©cit et aiment, aujourd’hui encore, se remĂ©morer cette Ă©poque. Il est important de prendre acte de cette rĂ©alitĂ© et d’essayer de la comprendre, d’autant plus que nous vivons actuellement la crise migratoire la plus grave depuis la Deuxième Guerre mondiale.Ěý»
ɱąĂ©˛Ô±đłľ±đ˛ÔłŮ J’ai une histoire Ă raconter du CRSH
Les 25Ěýfinalistes du concours J’ai une histoire Ă raconter du CRSH, reprĂ©sentant 14ĚýĂ©tablissements d’enseignement postsecondaire du Canada, se livreront concurrence lors de l’, tenu dans le cadre du qui aura lieu du 27Ěýmai au 2Ěýjuin Ă Toronto.Ěý
Personnes-ressourcesĚý:
Amanda Chalupa
amanda.chalupa [at] mail.mcgill.ca
Chris Chipello
Relations avec les médias
christopher.chipello [at] mcgill.ca
514-398-4201
Top photo:ĚýPolish refugee children in Tengeru, Tanganyika. Photo credit: Jonathan Durand family archive.