Lorsqu’ils découvrent quelque chose d’important, les paléontologues prennent immédiatement des notes et consignent les coordonnées GPS de l’endroit afin de pouvoir revenir sur place à la recherche de pièces manquantes ou d’autres spécimens intéressants. Au fur et à mesure que des os de dinosaures fossilisés sont découverts, les spécialistes dessinent une carte du site. Chaque quadrant représente un mètre carré et tous les quadrants se voient généralement assigner un numéro. Cette méthode permet de disposer les os de façon ordonnée et sert de canevas au moment d’assembler les os entre eux.
Après le décapage de la couche supérieure de roche et lorsque le site est suffisamment documenté, les paléontologues entreprennent de retirer soigneusement les os fossilisés à l’aide de pioches et de pelles.
Il s’agit d’une intervention délicate, car ces os sont fragiles. C’est pourquoi les spécialistes n’utilisent que de petits outils, comme des brosses et des sondes exploratrices dentaires.
Images : Site de l’exhumation de « Sara », à Eastend, en Saskatchewan, tel qu’il apparaissait en 2006 et 2012, par Emily Bamforth. ©Musée Redpath.
 L’équipe de création
CHANTAL MONTREUIL. Chantal Montreuil est technicienne en paléontologie au Musée Redpath. Son travail, qui consiste à préserver, regrouper et exposer publiquement des artéfacts naturels, comme les os de dinosaures, permet aux visiteurs de mieux comprendre le monde qui les entoure.  Chantal a amorcé ses travaux sur le tricératops « Sara » en 2006. Entreprise extrêmement rigoureuse, la seule reconstitution du crâne, réalisée entièrement à la main sans l’aide d’outils informatiques, lui aura fallu trois ans. Une réplique en fibre de verre est maintenant exposée aux yeux des visiteurs, les os originaux ayant été rendus au Musée royal de la Saskatchewan aux fins d’étude et de conservation.  À un certain moment au cours de la reconstruction et de la reproduction du crâne, ce dernier est devenu trop volumineux et les produits chimiques utilisés par la spécialiste se sont révélés trop toxiques pour que celle-ci puisse continuer de travailler dans une petite pièce fermée. Chantal a dû se résoudre à transporter « Sara » dans son jardin afin de poursuivre ses travaux. Pendant quelque temps, « Sara » est devenue comme un animal de compagnie pour Chantal et l’accompagnait dans tous ses déplacements, à la maison comme au travail. À des fins scientifiques, ce crâne de tricératops a d’abord été désigné par le code 516-G. Avant d’être dévoilé au grand public, il a été renommé par Keith, le fils de Chantal, qui, le premier, avait fait découvrir le Musée Redpath à sa mère. Le petit dinosaure et la Vallée des merveilles était le film préféré de Keith lorsqu’il était enfant, et comme le personnage principal de cette œuvre était un tricératops nommé Cera, il a donné le nom de « Sara » au 516-G. « Sara » représente une étape décisive dans la carrière de Chantal. Ce tricératops est l’illustration parfaite des intérêts et des buts de Chantal dans le cadre de son travail au Musée Redpath : se servir de l’histoire naturelle pour éduquer le public et captiver son imagination.
HANS LARSSON. Dès l’âge de cinq ans, le professeur Hans Larsson a Ă©tĂ© attirĂ© par la palĂ©ontologie en raison de sa vive curiositĂ© pour les dinosaures. Par la suite, des Ă©tudes universitaires en biologie, en gĂ©ologie, ainsi qu’un intĂ©rĂŞt marquĂ© pour la recherche interdisciplinaire et une expĂ©rience de travail en plein air l’ont prĂ©parĂ© pour le poste qu’il occupe actuellement. Hans est titulaire d’une chaire de recherche du Canada en macroĂ©volution et assume les fonctions de palĂ©ontologue des vertĂ©brĂ©s et de professeur agrĂ©gĂ© au MusĂ©e Redpath. Il y donne en outre les cours sur la diversitĂ© animale, l’évolution des vertĂ©brĂ©s, l’évolution du dĂ©veloppement et la palĂ©ontologie des vertĂ©brĂ©s.     Hans a dirigĂ© les fouilles ayant menĂ© Ă la dĂ©couverte de « Sara » par un groupe d’étudiants spĂ©cialisĂ©s. Il se souvient qu’ils ont d’abord dĂ©couvert la collerette du tricĂ©ratops et qu’il leur a fallu cinq jours de travail acharnĂ© pour dĂ©gager dĂ©licatement le crâne et l’extraire du sol. MĂŞme s’ils n’ont jamais trouvĂ© le corps de « Sara », Hans et les membres de son Ă©quipe ont Ă©galement dĂ©couvert sur le mĂŞme site des pièces de Tyrannosaurus rex, d’un jeune hadrosaure et d’un Thescelosaur (petit bipède herbivore), ainsi que des restes de crocodiles, de tortues, de lĂ©zards, de salamandres, de poissons et de plantes. Son objectif Ă long terme pour le MusĂ©e Redpath et l’UniversitĂ© Â鶹AV consiste Ă faire une plus large place aux dinosaures et Ă leurs contemporains dans le musĂ©e afin d’accroĂ®tre l’intĂ©rĂŞt du public pour ce dernier. Il rĂŞve notamment d’agrandir la galerie publique du musĂ©e pour mettre en valeur la diversitĂ© biologique et gĂ©ologique du Canada en y exposant des espèces modernes et disparues. En matière de recherche, ses objectifs Ă long terme visent Ă intĂ©grer la recherche sur l’évolution de la biodiversitĂ© Ă la recherche sur l’évolution des changements gĂ©nĂ©tiques, dĂ©veloppementaux et anatomiques qui se sont produits au cours des transitions Ă©volutionnaires du passĂ© prĂ©historique, telles que la transition des poissons aux amphibiens et des dinosaures aux oiseaux.
EMILY BAMFORTH. Emily Bamforth est doctorante Ă l’UniversitĂ© Â鶹AV. L’expĂ©rience qu’elle a acquise lors des fouilles ayant menĂ© Ă la dĂ©couverte du tricĂ©ratops « Sara » a jouĂ© un rĂ´le dĂ©terminant pour ses Ă©tudes ici mĂŞme, au MusĂ©e Redpath. En fait, sa thèse porte sur la dĂ©termination des facteurs climatiques Ă l’origine de la palĂ©obiodiversitĂ© des vertĂ©brĂ©s au cours du CrĂ©tacĂ© tardif (il y a 65 millions d’annĂ©es) dans le centre du Canada. Ses sites de recherche sont situĂ©s au sud-est de la Saskatchewan, dans les badlands du parc national du Canada des Prairies, ainsi que dans la vallĂ©e de la rivière Frenchman ‒ la rĂ©gion oĂą « Sara » a Ă©tĂ© dĂ©couverte. Emily estime que les liens entre la palĂ©obiodiversitĂ© et le palĂ©oclimat d’une mĂŞme rĂ©gion apportent des Ă©lĂ©ments d’information importants sur les facteurs Ă l’origine de la biodiversitĂ© terrestre jusqu’à la deuxième plus grande extinction massive de l’histoire de la Terre, levant ainsi le voile sur le mystère de la mort de « Sara » et de la disparition de son espèce.
Images : Chantal Montreuil et Hans Larsson au MusĂ©e Redpath par Bruno Paul Stenson ©MusĂ©e Redpath. Emily Bamforth par Owen Egan. ©Â鶹AV.
Moules et moulages – Comment ce tricératops a-t-il été fabriqué?
Le crâne de tricĂ©ratops qui se trouve devant vous n’est pas composĂ© de vĂ©ritables os de dinosaures fossilisĂ©s. Il s’agit en fait d’une rĂ©plique en fibre de verre moulĂ©e Ă partir de vrais fossiles. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les os de dinosaures fossilisĂ©s ne sont pas exposĂ©s au public. Premièrement, une fois assemblĂ©s, les fossiles volumineux sont trop lourds pour ĂŞtre prĂ©sentĂ©s de cette façon. Deuxièmement, une fois les vĂ©ritables os exposĂ©s au public, il devient plus difficile pour les palĂ©ontologues de les examiner lorsqu’ils disposent de nouvelles mĂ©thodes scientifiques. En outre, les os de dinosaures fossilisĂ©s sont très fragiles et doivent ĂŞtre conservĂ©s Ă une tempĂ©rature contrĂ´lĂ©e.Â
Lorsque les os de dinosaures fossilisĂ©s sont laissĂ©s en place et exposĂ©s aux rigueurs du climat, ils se dĂ©gradent, comme en tĂ©moignent les deux photographies du mĂŞme os prises en 2010 et 2012.Â
Les os fossilisĂ©s sont conservĂ©s aux fins d’exposition musĂ©ale Ă l’aide de moules et de moulages. Des couches de caoutchouc, de silicone et, dans certains cas, de latex, servent Ă crĂ©er une coquille souple autour de l’os fossilisĂ© original. Pour prĂ©parer le moulage, on applique d’abord un enduit gĂ©lifiĂ© sur la coquille (le gel est parfois pigmentĂ©, ce qui permet au moulage de reproduire les moindres dĂ©tails du moule). On mĂ©lange ensuite de la fibre de verre et de la rĂ©sine, puis on verse la solution obtenue dans le moule recouvert d’enduit gĂ©lifiĂ©. On peut Ă©galement verser du polyurĂ©thanne (plastique) ou du plâtre dentaire dans le moule pour crĂ©er un moulage. Une fois le mĂ©lange durci, on retire le moulage, puis on le peint afin qu’il ressemble Ă l’os de dinosaure fossilisĂ©. Enfin, les moulages sont assemblĂ©s de façon cohĂ©rente pour ĂŞtre prĂ©sentĂ©s au public.  Â