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Le projet ECRIP : LĂ  oĂą la recherche et la formation clinique se rencontrent

Volume 7, numéro 1, 2010

Lorsqu’un nouvel Ă©tudiant entreprend le programme de deuxième cycle en orthophonie Ă  Â鶹AV, deux concepts lui deviennent très familiers : la recherche et la formation clinique (que les Ă©tudiants appellent la pratique ou les stages). RĂ©cemment, ces deux domaines ont Ă©tĂ© rĂ©unis dans un projet nommĂ© ECRIP : Essai clinique randomisĂ© sur les interventions phonologiques. Le programme ECRIP est conçu pour rechercher quelle combinaison d’interventions est la plus efficace afin d’aider les enfants ayant des troubles phonologiques Ă  acquĂ©rir les aptitudes de traitement phonologique qui correspondent Ă  leur âge, et ce, avant qu’ils entrent Ă  l’école. Les enfants font d’abord l’objet d’une intervention classique axĂ©e sur l’articulation, ou encore d’une intervention axĂ©e sur la perception de la parole, puis on intervient sur le plan de la conscience phonologique. Les parents reçoivent de la formation sur la rĂ©alisation d’activitĂ©s articulatoires Ă  la maison ou l’utilisation de la lecture dialogique pour amĂ©liorer le vocabulaire et les aptitudes langagières de leur enfant. Le programme, qui vise les enfants francophones et leurs familles qui ont Ă©tĂ© placĂ©s sur une liste d’attente par l’HĂ´pital de MontrĂ©al pour enfants en vue de recevoir des services d’orthophonie, devrait durer jusqu’en 2011.

En plus d’offrir Ă  des enfants francophones et Ă  leurs familles la chance de recevoir des services d’orthophonie, le projet ECRIP a jouĂ© un rĂ´le de premier plan dans la formation clinique de nombreux Ă©tudiants de deuxième cycle Ă  Â鶹AV. Jeanne Claessen, ancienne coordonnatrice en chef de la formation clinique, a constatĂ© qu’il y avait plusieurs avantages Ă  ce qu’un tel programme soit associĂ© Ă  l’École des sciences de la communication humaine : « Les taux d’inscription ayant augmentĂ© rĂ©cemment, l’École est toujours Ă  la recherche de nouveaux milieux de stage de qualitĂ© pour ses Ă©tudiants. Jusqu’à maintenant, le projet ECRIP a permis six stages additionnels en seulement deux trimestres. » Ainsi, si le programme se termine comme prĂ©vu en 2011, il aura permis en tout jusqu’à 20 stages. Autre avantage du projet : la possibilitĂ© d’un stage pour les Ă©tudiants francophones inscrits au programme de deuxième cycle de Â鶹AV. « Il y a un grand manque de milieux de stage francophones pour les Ă©tudiants de notre programme. Grâce Ă  ECRIP, nos Ă©tudiants francophones ont dĂ©sormais l’occasion de vivre une expĂ©rience pratique de qualitĂ©, en français, ce qui leur permet de travailler dans leur propre langue avec une population francophone. Les Ă©tudiants se familiarisent avec la terminologie française de l’orthophonie, les Ă©tapes du dĂ©veloppement du langage français, certains des examens effectuĂ©s en français, » faisant du projet ECRIP une formidable expĂ©rience d’apprentissage pour ceux qui exerceront plus tard au QuĂ©bec, auprès d’une population francophone.

Mais en quoi le projet ECRIP offre-t-il une expérience pratique si extraordinaire? Selon Mme Claessen, il y a deux raisons à cela : « Le projet ECRIP procure aux étudiants une occasion unique de participer directement à la recherche clinique, ce qui leur permet d’utiliser les indicateurs de résultats afin de mesurer les progrès d’un enfant. Il s’agit évidemment de la substance des cours théoriques et d’un modèle idéal de pratique, mais il est rare que l’on s’en rapproche autant dans les situations cliniques habituelles. En somme, un stage dans le cadre du projet ECRIP prépare la nouvelle génération d’orthophonistes à effectuer des interventions à la fine pointe auprès de leur future clientèle. Deuxièmement, le projet ECRIP présente aux étudiants les toutes dernières recherches sur l’alphabétisation précoce ainsi que la relation entre la conscience phonologique et l’articulation. » Alla Sorokin, qui a effectué une partie de son stage final au sein du programme ECRIP, a beaucoup aimé l’expérience car « c’est tout un défi, et plus le défi est grand, plus on apprend au bout du compte. Le programme enseigne aux étudiants les rudiments de la thérapie (non seulement axée sur la production vocale, mais également sur la perception et la conscience phonologique)… Il permet aux étudiants de participer à tout, de A à Z (de la sélection des objectifs jusqu’à la rédaction de rapports, en passant par la planification de la thérapie et sa mise en oeuvre). Puisque les activités doivent faire appel à une grande créativité, le programme permet aux étudiants d’exercer la leur. En terminant le stage, les étudiants repartent avec une collection d’activités et du matériel en français. De plus, les thérapies sont toutes appliquées en français; les étudiants peuvent donc acquérir une expérience pratique de thérapie en français, ce qui pourra leur être très utile après avoir obtenu leur diplôme. »

Quels types d’activités demande-t-on de réaliser aux étudiants qui font un stage dans le cadre du projet ECRIP? Marianne Paul, une autre étudiante qui a effectué son stage au sein du projet, explique que « le rôle principal de l’étudiant clinicien consiste à mener quatre séances de thérapie individuelles d’une durée de 45 à 50 minutes. Chaque étudiant peut s’attendre à être responsable de la thérapie de quatre enfants, en se concentrant sur trois objectifs précis auxquels il doit travailler à chaque séance. Après six séances de thérapie avec chaque enfant, il y a six séances de thérapie en groupe qui ciblent les aptitudes liées à la conscience phonologique. Les objectifs et le type d’activité à effectuer sont déterminés à l’avance, mais nous devons décider des détails de l’activité. Enfin, il faut rédiger les rapports de progression des quatre enfants que nous avons vus en fonction de leurs objectifs individuels et des objectifs de conscience phonologique travaillés en groupe. Pendant les séances, nous prenons des notes sur le type de rétroaction que nous avons donnée, les résultats de l’enfant selon la tâche demandée, ainsi que son degré de coopération. »

Toutefois, chaque nouveau projet comporte ses difficultés. J’ai demandé à une étudiante, Annie Ladouceur, de nous parler de l’un des aspects les plus difficiles du projet ECRIP selon elle : « En tant qu’étudiants qui intervenaient directement auprès des enfants, je crois que nous devions être vraiment indépendants. Il faut faire preuve d’initiative et de créativité (organiser des activités intéressantes) et être capable de s’adapter. » Ce sont là des qualités qu’il est essentiel de développer afin de réussir en tant qu’orthophoniste.

J’ai également demandé aux trois étudiantes ce qu’elles avaient préféré de leur participation au projet ECRIP. Annie Ladouceur a adoré « passer du temps avec les enfants. J’ai beaucoup appris! Chaque journée était intéressante et différente, même si les populations et les types d’intervention restaient essentiellement les mêmes... J’ai également aimé avoir l’occasion d’intervenir sur le plan de la perception de la parole. » Alla Sorokin a répondu « J’ai pris plaisir à “être une thérapeute”… L’indépendance et le contact direct avec les enfants et les parents m’ont procuré une expérience d’apprentissage bénéfique. » Enfin, Marianne Paul exprime qu’elle a « vraiment aimé le fait d’avoir à s’en tenir strictement au type d’activité et de rétroaction qui s’appliquait au groupe d’appartenance de l’enfant. Cela nous force à prendre conscience de ce que nous faisons et à réfléchir à ce pour quoi nous le faisons. C’est bien de suivre le même enfant pendant six semaines et de pouvoir constater ses progrès, en plus de le voir dans un contexte différent (la thérapie de groupe). Cela nous aide vraiment à réaliser combien un enfant peut être différent dans diverses situations. J’ai également apprécié la globalité du travail (thérapie, évaluation, notes et rapport). »

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que ce projet n’est pas uniquement un moyen d’offrir une expérience clinique aux étudiants. Il est également avantageux pour la collectivité. Annie Ladouceur a précisé que « certains des enfants traités dans le cadre du programme ECRIP n’auraient jamais eu la chance de suivre une thérapie s’ils n’avaient pas participé au projet. Les parents sont très souvent dépassés par la situation, le manque de ressources, les listes d’attente... ils sont TELLEMENT reconnaissants de notre travail! De plus, il y a si peu de recherche en orthophonie... en français! C'est un merveilleux projet de recherche! »

Pour conclure, j’ai demandé aux étudiantes quels étaient leurs conseils à l’intention de ceux qui participeront au projet ECRIP au cours des années à venir :

- « Lisez attentivement le manuel et gardez les directives en tête lorsque vous préparez vos séances. » (Marianne Paul)

- « Soyez préparés pour votre intervention (une semaine d’avance)... les choses se passent beaucoup mieux quand vous savez réellement ce que vous faites, car s’il y a la moindre hésitation, l’enfant en profitera!!!! » (Annie Ladouceur)

- « Il est très utile d’être organisé, même si cela peut être difficile en raison de la multitude de documents et d’autres choses qui entrent en jeu et dont on doit assurer le suivi. Rappelez-vous qu’au bout du compte, ce projet (grâce à votre contribution) pourrait amener de grands changements dans l’administration des traitements au Québec. » (Alla Sorokin)

Le projet ECRIP est sans aucun doute une expĂ©rience unique pour n’importe quel Ă©tudiant Ă  la recherche d’une occasion de travailler auprès de la population francophone. Nous invitons donc les Ă©tudiants bilingues ou francophones Ă  manifester leur intĂ©rĂŞt Ă  y participer dans le cadre d’un stage. Tous nos remerciements Ă  Susan Rvachew, agente de recherche principale du projet, ainsi qu’à Françoise Brosseau-LaprĂ©, coordonnatrice du projet, d’avoir amenĂ© le projet ECRIP Ă  Â鶹AV.

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