L’exercice compulsif, une prison socialement acceptable
La pratique compulsive de l’exercice physique est un problème plutĂ´t frĂ©quent et grave. Pourtant, on en parle peu. Il n’existe aucune dĂ©finition universellement reconnue de l’exercice compulsif, trouble qui se caractĂ©rise par une obsession dĂ©vorante pour l’exercice physique. Les personnes qui en souffrent disent souvent ĂŞtre malheureuses, ressentir des douleurs physiques ou ĂŞtre dĂ©primĂ©es en permanence. L’exercice compulsif s’accompagne souvent d’un trouble alimentaire (85 % des personnes atteintes d’un trouble alimentaire font de l’exercice de manière compulsive), mais certaines personnes ne dirigent leur attention que sur l’exercice. Dans le cadre d’une Ă©tude rĂ©cente menĂ©e au DĂ©partement de kinĂ©siologie et d’éducation physique de l’UniversitĂ© Â鶹AV, Laura Hallward, nouvellement titulaire d’un doctorat, et professeure agrĂ©gĂ©e Lindsay Duncan ont analysĂ© près de 1 000 publications, images et conversations parues dans 13 rĂ©seaux sociaux au cours d’une annĂ©e. Leurs travaux ont fait ressortir les expĂ©riences vĂ©cues par les personnes atteintes de ce trouble. Les chercheuses croient que les informations tirĂ©es des conversations en ligne pourraient servir Ă l’élaboration de programmes de traitement s’appuyant sur des dĂ©finitions d’exercice sain.
Un parcours semé d’embûches
Des publications sur l’exercice compulsif parues dans les médias sociaux, les chercheuses ont dégagé quelques thèmes : les contrecoups des efforts fournis pour brûler des calories après une consommation excessive de nourriture, le manque de compréhension face au besoin irrépressible de faire de l’exercice, et la volonté de garder la maîtrise de soi, suivie du sentiment de perte de contrôle au profit de la dépendance.
« J’ai envie de mourir chaque fois que je suis trop malade pour atteindre mon objectif de nombre de pas. »
« Mes collègues et mes amis me disent CONSTAMMENT “j’aimerais pouvoir courir comme toi” ou “j’aimerais te ressembler”. Mais ils ne savent pas que je lutte sans cesse contre moi-même. Ils ne me voient pas courir au point d’avoir tellement mal que j’en pleure. Ils ne peuvent pas s’imaginer ce que c’est, la dépendance à l’exercice. »
« Hier, je me suis goinfrée comme jamais auparavant. […] J’ai fini par me forcer à m’entraîner, et j’ai fait plus de 60 000 pas avant minuit parce que je n’arrivais pas endurer la culpabilité. »
« L’exercice m’aide tellement; ça m’a vraiment manqué. Mais je sais que je peux facilement retomber dans la dépendance si je ne fais pas attention. »
Beaucoup de gens se sont tournés vers les médias sociaux pour exprimer le mal que leur cause l’exercice excessif, mais aussi les craintes qu’ils ressentent à l’idée de s’investir dans un processus de rétablissement et de venir à bout de leur dépendance. Les gens ont aussi décrit les conflits intérieurs qu’ils ont vécus tout au long de leur parcours de réadaptation, conscients qu’ils devaient continuer de se battre pour ne pas rechuter. D’autres se sont servi des médias sociaux comme tribune pour exprimer leurs frustrations quant au manque de compréhension au sein de leur cercle social et familial. Leurs proches les complimentaient souvent pour leur apparence ou leurs « habitudes saines », mais ignoraient tout des troubles psychiques et comportementaux qui se cachaient derrière.
Un changement de mentalité s’impose
Parmi les personnes qui ont réussi à s’engager dans un processus de rétablissement et à développer une relation plus saine avec l’exercice, certaines ont mentionné qu’un changement de mentalité était essentiel et qu’il fallait oublier les règles strictes, l’exercice comme forme de punition et les objectifs liés à l’apparence physique et, plutôt, écouter son corps et sa tête, se reposer davantage et essayer différents types d’exercice.
« On nous bombarde de messages qui nous présentent l’exercice comme la panacée aux problèmes physiques et mentaux », explique Laura Hallward, auteure principale de l’article. « Il est vrai que l’exercice est bénéfique pour la majorité des gens, et qu’il faudrait souvent en faire plus, mais il ne faut pas oublier cette partie de la population pour qui l’exercice est une obsession envahissante et qui a besoin d’aide pour ralentir la cadence et trouver des solutions de rechange. Selon moi, on doit s’efforcer de comprendre ce que vivent ces gens et leur offrir du soutien. »
Les personnes qui souhaitent entamer une réadaptation, et celles qui hésitent à le faire, peuvent puiser du soutien et de l’information dans les expériences positives partagées en ligne. Les chercheuses croient que les nombreux conseils sur l’adoption d’habitudes saines pourraient se retrouver dans des programmes de psychoéducation destinés aux personnes pratiquant l’exercice physique de manière compulsive.
ł˘'Ă©łŮłÜ»ĺ±đ L’article « “Compulsive exercise is a socially acceptable prison cell”: Exploring experiences with compulsive exercise across social media », par Laura Hallward et Lindsay Duncan, a Ă©tĂ© publiĂ© dans |
L’UniversitĂ© Â鶹AV
FondĂ©e en 1821, Ă MontrĂ©al, au QuĂ©bec, l’UniversitĂ© Â鶹AV figure au premier rang des universitĂ©s canadiennes offrant des programmes de mĂ©decine et de doctorat et se classe parmi les meilleures universitĂ©s au Canada et dans le monde. Institution d’enseignement supĂ©rieur de renommĂ©e mondiale, l’UniversitĂ© Â鶹AV exerce ses activitĂ©s de recherche dans trois campus, 11 facultĂ©s et 13 Ă©coles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delĂ de 39 000 Ă©tudiants, dont plus de 10 400 aux cycles supĂ©rieurs. Elle accueille des Ă©tudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 000 Ă©tudiants internationaux reprĂ©sentant 30 % de sa population Ă©tudiante. Au-delĂ de la moitiĂ© des Ă©tudiants de l’UniversitĂ© Â鶹AV ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 20 % sont francophones.